LES TIERS-LIEUX SUR LE DIVAN : Des lieux qui « pansent »

Co-pilote de l’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine – ANPU – Cultivatrice de l’Art bâtisseur – Au bout du plongeoir – Fabienne Quéméneur

Lors de mes études dans la fin des années 90, je rédigeais un mémoire de maîtrise en « inter-arts » sur la transformation de friches industrielles en bâtiments à vocation culturelle« . À l’époque nous ne parlions pas encore de tiers-lieux mais de friches, de patrimoines vacants, abandonnés, désaffectés, squattés ou convertis en « centres dynamiques pour les arts et la culture », selon la définition trans-europe halles.

Mon approche était de questionner l’appropriation de ces lieux par la force symbolique qu’ils exerçaient en faisant partie d’un patrimoine, souvent ouvrier, attirant des publics parfois très éloignés de la culture qui se sentaient attachés à ces espaces et légitimes d’y entrer sans complexes.

Des sortes de « lieux-liens » comme l’on résume aujourd’hui.

À la marge de l’institution culturelle classique, je vécus lors de cette recherche des moments assez inouïs de croisements et de rencontres improbables entre culture alternative, populaire et parfois très contemporaine, intégrant la mémoire et l’esthétique des lieux dans une atmosphère festive et joyeuse. L’organisation de ces espaces était spontanée avec des fonctions très orientées sur l’art et son besoin d’espaces de travail mais attirait aussi des personnes à la marge, ce qui posait rapidement des questions de gouvernance, certes pas simples à mettre en place pour certains d’entre eux.

En 2008, Laurent Petit un artiste, autoproclamé « psychanalyste urbain » lui aussi très attaché à la mémoire des lieux me proposait de « psychanalyser le monde entier » en compagnie d’architectes avec une première opération divan à Vierzon suivie d’une opération pilote à Tours avec le Polau (pôle arts-urbanisme) qui aboutit avec Charles Altorffer à la création d’une balise nommée « point zéro », début d’une spirale de réconciliation urbaine universelle.

Je vis là une belle continuité et opportunité de questionner la fabrique urbaine en « couchant la ville sur le divan» afin d’ausculter son histoire, ses traumatismes, sa façon de traverser et de se remettre de ses épreuves et de se projeter vers l’avenir. En identifiant ses parents mythologiques, réels ou géologiques, en donnant la parole à ses différents acteurs et en créant de nombreux outils pour décongestionner les tensions et ouvrir les imaginaires, nous inventions ainsi une nouvelle science poétique, la psychanalyse urbaine.